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Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/111

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Flagothier lui prédit la fin de sa période de déveine.

À peine installée à la table de marbre, Jane allumait sa cigarette, réclamait les cartes — et la partie de chasse-cœur s’engageait. D’habitude on ne jouait que les consommations ; or, ce soir-là, Julien Rousseau, sans penser à mal, proposa de mettre la partie à vingt sous, pour « intéresser » le jeu. En-Sol-Messieurs demanda à en être ; c’était la première fois que ça lui arrivait : à une heure du matin, pâle d’une émotion concentrée, la main tremblante, n’ayant plus un poil de sec, il perdait 17 francs qu’il alla emprunter — en s’efforçant de ne pas être remarqué — à Alembert Picquet, tandis que les joueurs se regardaient mal à l’aise, désolés de la cruauté du dieu des cartes qui élisait une aussi pitoyable victime. On se mit d’accord pour que Julien Rousseau reprît l’argent gagné et le renvoyât, anonymement, à quelques jours de là, avec la rubrique « de la part d’un ancien créancier », au triste En-Sol-Messieurs — non sans avoir pris soin de diminuer la somme de quelques centimes pour que la « restitution » ne se sentît pas trop.

Le lendemain, En-Sol-Messieurs vint conter à la Boule Plate sa visite au directeur du music-hall. Ce directeur, un bon Bruxellois, paillard et grand