Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/162

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— Tu sauras tout à l’heure… ou demain. Si on te le demande avant ça, tu diras que c’est un secret. »

Elle haussa les épaules.

— Je reviens dans dix minutes.

C’était la première fois que Jane Reclary se trouvait seule avec Odon Flagothier, face à face. Si elle eût écouté, elle eût entendu battre le cœur d’Odon.

Elle lui demanda, de son air impénétrable, à peine André parti :

— Qu’est-ce que vous avez à me regarder dans les yeux depuis que je suis entrée ? Est-ce qu’il m’est resté du noir ?

Odon assura son maintien, pesa sur sa chaise, raffermit ses reins.

— Je vous aime, dit-il.

Et aussitôt épuisé, vidé de toutes ses forces, il se sentit défaillir, devenir un enfant.

Elle parut un instant réellement surprise ; elle sentit sans doute, à cause de l’attitude et de l’accent, la force secrète, douloureuse et profonde de cette passion, elle fut touchée malgré elle, flattée presque. Puis, le comique de la chose lui apparut : elle eut un soubresaut de rire, lui donna sur la joue une tape de camarade et lui souffla dans le nez la fumée de sa cigarette :

« Vous êtes fou, lui dit-elle. »