Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/163

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Il reprit, d’une voix de condamné :

« Alors… jamais ?

— Mais non, jamais ; mais certainement non ! J’ai un amant, mon cher !

— Je le sais.

— Vous ne vous êtes pas imaginé que j’allais le lâcher pour vous ?

— J’attendrai ; ça ne sera pas long.

Tout d’un coup, elle eut peur ; elle eut la perception que cet homme allait désormais s’acharner, s’attacher à ses pas, encombrer son existence ; elle entrevit un avenir d’embêtements sans fin, à cause de cet amoureux obstiné, bon à rien puisqu’il n’avait pas d’argent.

— En voilà une histoire, rêva-t-elle tout haut, consternée.

Eh bien, ça lui manquait ! C’était bien sa veine ! Ça lui apprendrait à allumer des gens au hasard de la prunelle, à être trop bonne, à passer sa soirée dans des trous comme la Boule Plate. Elle fronça le sourcil, exaspérée, brutale :

— Mais, après cet amant-là, j’en prendrai un autre, des autres, lui dit-elle dans la figure, en s’efforçant de ne pas crier ; c’est notre métier, à nous, au théâtre.

Il répéta, d’une voix pâle :

— Je le sais. Mais vous partez après demain ; je ne puis me faire à l’idée de ne plus vous voir.