Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même en supposant qu’il fût pour le moment tout à fait sincère, ne vivrait pas huit jours à ses côtés sans qu’elle lui accordât ce qu’elle accordait à tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, servaient ses intérêts.

D’autre part, ne lui avait-il pas dit : « Quand vous voudrez que je ne sois pas là, vous ferez non avec les yeux » ; c’était clair cela ; ça ne voulait pas dire tarte à la crème ; c’était une phrase adroite, la seule façon pour lui de faire comprendre les choses…

Tout au moins, Jane, dans sa mentalité spéciale, ne pouvait penser que Flagothier eût envisagé la situation autrement.

La déférence compatissante, un peu attendrie, qu’ont les filles vis-à-vis des hommes qui se ruinent avec crânerie pour elles, la surprenait d’autre part. Ce dévouement aveugle, plus fort que les lois et les préceptes, n’était-ce pas, à tout prendre, un excellent atout dans le jeu compliqué d’une vie de bohème et d’aventure ? Odon n’apportait que ce qu’il avait ; mais, quoi ! il n’était désagréable ni à écouter ni à regarder ; il était vigoureux, intelligent, entendu au commerce, apte à toutes les besognes. Puisqu’il n’exigeait rien que le droit d’aider, pourquoi ne laisserait-elle pas faire ? Sans doute, il se lasserait vite… ; Eh bien, quand il en aurait assez, il s’en irait ; elle serait ainsi débarrassée de lui, sans violence et sans