Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/190

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Charles observait, le cœur plein de compassion, cette douleur vaillamment portée, repliée sur elle-même. Il s’émouvait d’une inutile charité lorsqu’il voyait les yeux de Rose, au cours d’une conversation banale, s’emplir brusquement de larmes, parce qu’un souvenir, malgré elle, venait de lui traverser l’esprit.

Le malheur, en la faisant plus douce, la faisait aussi, sans qu’elle s’en doutât, plus belle ; elle prenait, étant amaigrie, une sveltesse que Charles ne lui avait pas connue ; ses joues, un peu pâlies, avaient une carnation plus délicate ; une ombre de lassitude estompait ses yeux ; son air taciturne, résigné et pudique de femme blessée par la vie, affinait sa nature robuste de je ne sais quelle douceur mélancolique, de quelle mollesse tiède, charmante et énigmatique.

Charles, quinze jours après la fuite de Flagothier, voyant la première fébrilité de Rose s’apaiser, lui reparla de son intention de quitter la Bonne Source pour s’installer dans le voisinage : cette décision s’imposait à lui comme un devoir ; elle était commandée par le souci de la bonne réputation de Mme  Rollekechik.

Rose ne se récria pas. Elle dit seulement du ton d’une femme décidée à accepter désormais tous les malheurs sans protester :

— Faites comme vous voulez, Monsieur Charel ;