elle aimait dompter les brutes, qu’ils appartinssent au journalisme ou à la triperie. Elle avait remarqué que Julot donnait des signes de colère particulièrement vifs quand on chantonnait autour de lui. Elle eut aussitôt l’idée d’aller s’asseoir à la table en face de la sienne et de lire des journaux en chantant. Tout son répertoire y passa en trois après-midis ; après quoi elle le recommença, morceau par morceau.
Julot grognait, soupirait, geignait, se contorsionnait, se tordait sur sa banquette comme un diable dont le derrière aurait baigné dans l’eau bénite ; ses yeux s’injectaient, ses lèvres grimaçaient, ses dents grinçaient ; il avalait ses demis de travers, il écrivait et raturait avec rage. Il avait bien dit le premier jour à Mme Fampin : « Vous ne voudriez pas aller donner votre concert ailleurs ? » ; elle lui avait répondu : « Je chante quand ça me plaît, ce qui me plaît et où ça me plaît » ; il avait compris qu’il était inutile de parlementer. Frêle, fine et blonde, elle narguait le monstre de ses yeux limpides ; elle le tuait à petits coups.
Vainement, il essaya de la troubler par d’énergiques « smoel toe ! » ou par de comminatoires « Hââft â basilik ! » ; elle souriait comme s’il lui eût offert des roses pour sa fête. Quelquefois elle daignait répondre ; elle condescendait à lui dire : « Non,