Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/202

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disaient des choses banales d’une voix de confidence, à l’abri des bourrasques du dehors, enveloppés dans la bonne chaleur de leur amitié. Oh ! cette amitié, comme ils en sentaient l’empire ! Ils s’y rencontraient comme dans un refuge ignoré des autres hommes, un refuge un peu triste, un peu grave, mais combien sûr !


Ce qui rapprocha surtout, à cette époque. Rose, Cécile et Charles jusqu’à faire se toucher leurs cœurs, ce fut leur affection pour Julien, affection alarmée par les progrès rapides de la maladie qui minait depuis si longtemps le jeune homme.

La nuit du réveillon de la nouvelle année, il s’était passé à la Boule Plate une scène atroce. Suivant la coutume, les fidèles de l’établissement, groupant à des tables différentes leurs sympathies, s’étaient attardés jusqu’au coup de minuit.

Quand l’horloge sonna et qu’on se fût congrûment embrassé, en échangeant des souhaits, on remarqua que Julien était inexprimablement mélancolique.

Pour la première fois, on le vit se désespérer. Il dit, doucement accoudé sur la table, et suivant des yeux la fumée lente de son cigare :

— Vous rappelez-vous le réveillon de l’année dernière ? Flagothier nous avait amené sa femme. La vie est bête et sale.