Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/221

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moins ; une religieuse vint le prendre et l’emmena, chancelant, les mains crispées.

Dès qu’il eut quitté la pièce, Mme  Cécile se dressa, résolue.

— Je ne veux pas qu’il meure ici tout seul et qu’un infirmier lui ferme les yeux comme il l’a annoncé… vous vous rappelez, M. Charles, la nuit du 1er  janvier, à la Boule Plate

— A-t-il de la famille ? questionna le médecin, car vous n’êtes que des amis pour lui, n’est-ce pas ?

— Oui. Je le prendrai chez moi. Je vais l’emmener. Je n’aurais plus une heure de tranquillité jusqu’à la fin de ma vie si j’avais sur la conscience de l’avoir laissé mourir ici.

Charles lui serra la main, incapable de parler. Les larmes venaient.

Le directeur hocha la tête. Voir mourir Julien à l’institut, certes il n’y tenait pas : il savait trop l’effet moral que produisent sur les malades, guettant derrière les rideaux écartés des fenêtres, le triste cortège des funérailles, le cercueil s’en allant, presque furtivement, à travers la bruyère, vers la fosse, suivi des trois sœurs et de quelques amis. Il savait aussi avec combien de malignité la concurrence, souvent effrontée, exploite les décès survenus dans un sanatorium voisin. C’est là une appréhension commune à