Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exercice de son commerce, sagement amoureuse de son mari, déshabillée vingt fois chaque jour par les regards de certains clients, ce dont sa pudeur de femme, sûre d’elle-même, ne songeait pas à s’offenser ; elle offrait, avec l’article et le sourire, la phrase classique : « Est-ce que vous croyez qu’il va encore dracher ? » ou : « Beau temps, n’est-ce pas, Monsieur ? Si ça savait seulement durer… »

Vers 5 heures, Charles arriva dans un fiacre chargé de malles ; il disposa lui-même, tiroirs et armoires, en garçon soigneux, son linge, ses vêtements, ses livres.

En ouvrant un placard, à droite de la cheminée, un énorme placard qui tenait toute la hauteur de la pièce et dont Rose avait dit le matin, sans que Charles fît grande attention : « Celui-là est réservé pour nous autres, » il trouva, rangés sur ces rayons, des amoncellements de paquets de cigarettes, toute la réserve du magasin. Et il se mit à examiner, à flairer, à palper l’un après l’autre ces paquets évocateurs, légers et odorants, venus des quatre coins du monde : les cigarettes de la régie française, jupes d’argent en fourreau sous une robe écarlate, fortes, propres et administratives, portant, comme des tatouages, la marque bleue, en losange, du timbre