Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/256

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ça sur commande, et même il l’apporte quelquefois quand on l’a pas commandé… »

Rose s’effara, rougit et, pour cacher sa gêne, se remit à embrasser le bambin.

Quand la mère l’eût emmené, Rose songea : comme il grandirait près de son cœur, comme elle l’aimerait, l’enfant qui naîtrait de ses flancs robustes, jusqu’ici stériles, mais faits cependant, sans doute, pour la maternité. Un frémissement courait en elle, la frappait aux entrailles. Elle fermait les yeux pour enfermer son rêve, pour le savourer au fond d’elle-même. Mais elle repoussa ces pensées qui, tout à coup, lui parurent des assaillantes habiles et perfides autant que redoutables. Jamais plus elle ne serait à un homme, car le nom et l’image d’un seul homme emplissait son cœur et elle n’eût osé seulement concevoir l’idée que cet homme, si au-dessus d’elle par son éducation, son esprit et sa naissance, pût l’aimer assez pour… non ! non ! il ne fallait pas s’arrêter à ces choses !

Charles lui faisait une peur tendre.

Pour lui, il goûtait maintenant le plaisir d’être amer. Il parlait peu ; quand Rose lui souriait, il la déconcertait par des mots peu aimables. Il s’isolait ; on ne le voyait plus à la Boule Plate ; il allait aux endroits d’oubli, aux recoins déserts, et faisait de