Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/259

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seul. Cela dure des heures… Il n’a plus la force de dire tout haut ce qu’il pense, mais son cerveau fonctionne avec lucidité ; il songe, il songe…

À quoi ? À lui-même, à la fin de sa chair qui ne pèsera guère dans les mains de l’ensevelisseur quand on la déposera dans le cercueil ; à Mme  Cécile, belle de charité, belle comme l’est une sainte, avec une auréole ; à Rose et à Charles, à leur patient et timide amour deviné et observé par lui, à la confuse pudeur, qu’il admire, de leurs deux existences mêlées et pourtant distinctes, à tout ce qu’il y a, en eux, de tourment dignement accepté, de résistance héroïque, à leur volonté sourde d’éloigner tout compromis entre leurs deux cœurs silencieux et fervents.

Et toujours les mains, sur les draps, recommencent leur promenade, comme pour recueillir des miettes dans les plis.

Mme  Cécile a fini par s’endormir. Il ne l’éveille que quand il a absolument besoin d’une potion qui se trouve sur la table à côté de lui et qu’il ne peut atteindre.

Puis Cécile, succombant une seconde fois, se rendort. Quand elle se réveille, le jour se lève enfin ; il entre, triste et livide, dans la chambre.

Cécile assied Julien au milieu du grand lit, si falot, si grêle et si fluet que ses épaules recroquevil-