Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/41

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Une fois le « demi bien tiré » placé devant lui, il devenait hâbleur et jovial, il avait de l’esprit naturel, une façon de s’exprimer imagée, hardie et « peuple » sans être vulgaire, des mots imprévus et typiques : il racontait des biesteries et des spots du pays dinantais avec de la verve personnelle et la saveur du terroir.

Il collectionnait des « scies » à lui, qui semblaient d’abord insupportables et qui, à force d’être répétées au moment où personne n’en attendait le retour, finissaient par violenter le rire.

Il feignait d’entendre un coup brusquement frappé à la porte : « Entrez, M. Desbaguettes ! » ; ou bien, avant de boire, il levait son verre : « À ta santé, mon vieux Desbaguettes ! » ; si l’on demandait quel artiste avait créé tel rôle, quel roi régnait en Espagne : « Desbaguettes ! »

C’était idiot, insupportable et farce.

Quelquefois, en passant par la boutique, Charles s’arrêtait et causait avec Odon et Rose. L’arome obsédant du tabac, qui rôdait dans la maison entière, jusque dans les armoires où le linge de Rose, parfumé de lavande, prenait une odeur âcre et sèche, avait, au début, valu à Charles des migraines. Maintenant, il y était fait ; il n’en éprouvait plus aucun malaise. Odon, supérieur et condescendant, exposait au jeune homme le problème plein de mystère du culottage des