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« d’articles pour fumeurs », acheté à bon compte avec ses économies de jeune homme.

Il y a, dans une histoire de Courteline, un employé qui « ne peut pas » aller à son bureau ; de la même manière, Odon « ne pouvait pas » rester chez lui.

Il n’y passait que le temps nécessaire au sommeil, aux repas et aux courts travaux de son commerce ; le sens du foyer lui manquait, sauf quand il y trouvait « del djotte » et des « vitolets » ; il disait volontiers qu’il était « un modèle d’homme d’extérieur ».

Philosophe cynique et drôlard, le café lui semblait le seul endroit qui convient à un citoyen bien portant, honnête et aimant à « viquer », l’endroit délectable entre tous où l’on jouit du potin qui passe, du bon mot qui voie, où palpite ce que l’instant a de drôle et d’intéressant, où l’on peut satisfaire des goûts d’indépendance et de plaisir.

L’idée de faire une promenade ne lui serait jamais venue ; il n’eût pas fait un pas pour assister à une fête populaire, à une cérémonie publique ; mais les longues stations à la Boule plate, dans la fumée des cigarettes et des pipes, le débraillé pittoresque et un peu bohême des camarades attablés autour des chopes, les cartes au poing, lui paraissaient la récompense et la jouissance du sage. D’ailleurs, il buvait peu et était économe, par nature et par nécessité.