Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/47

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Puis, tout à coup inspiré :

— Tenez, dit à mi-voix Odon, restons ici, Monsieur Charles, nous allons entendre une « légère réprimande » qui ne sera pas dans une musette.

Les deux hommes, gais et silencieux, se partagèrent la dernière marche de l’escalier ; Charles s’assit, les genoux au menton.

Odon ne s’était pas trompé : l’exécution fut magistrale.

Le Smoel-recital débuta par un « Écoutez une fois, ma file… », dit sur un ton pénétré, un ton de magistrat parlant avec une autorité paternelle et sermonneuse, une fermeté convaincue. Puis cela s’élargit, se mua, andante, en un avertissement sévère. La phrase « Non, non, non, ça ne sait plus rester durer continuer… » fut prononcée d’une voix grave, un contralto plein, profond, sonore qui versait sa musique comme une huile épaisse. Puis la voix, précipitant le débit, énuméra les griefs accumulés, tous les péchés commis, les mortels et les véniels : elle détailla la détresse de la maîtresse de maison qui, tout en ouvrant des caisses de cigares pour un client difficile, sent le fricot « attacher » sur le fourneau de la cuisine et songe que, pendant ce temps, la bonne, envoyée au marché, sirote des petits cassis rue du Parvis, en compagnie de consœurs aussi coupables