Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/64

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politesse lui échapper avec la patience. Lui qui évitait toujours toute grossièreté de langage, ne put retenir un mot très vif. Ce fut d’ailleurs la faute à Périnet. Celui-ci venait de dire, pour la troisième fois, qu’il irait dîner le lendemain au Sabot, où on lui préparait de petits plats pour lui seul « exclusivement, vous entendez-bien : exclusivement ! »

— Au Sabot, avait dit Odon, agacé, lui aussi ; ça m’étonne : ce n’est pas la place d’un chausseur.

— Moi, ça ne m’étonne pas, dit Charles : c’est bien la place d’un pied.

Le mot, parti avant qu’il l’eût voulu, tomba d’aplomb comme une gifle. Périnet resta béant devant l’injure, regarda Charles, considéra son air tranquille et ne trouva pas de riposte. Il y eut un instant — qui parut très long — de lourd silence. Puis, brusquement, la lourde masse de Mme  Cécile se déplaça ; d’un bond léger, — oui, léger, — cette masse énorme s’effondra sur le tabouret du piano, lequel tabouret trouva une voix inconnue pour gémir — et chacun feignit de s’intéresser à la « Suite brillante » dont les premières notes s’égrenèrent sous les doigts boudinés de Mme  Cécile.

Charles, impassible, allumait une cigarette. Périnet, ému, pâle, raide comme un colonel de garde civique un jour de revue, se leva enfin… et s’en