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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/105

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LADY LUDLOW.

de pénétrer dans Paris, et d’arriver, après maints détours, jusqu’à une ruelle abominable qui débouchait dans la rue de l’École-de-Médecine. J’ai entendu dire que c’était un lieu infâme, situé dans le voisinage de l’Abbaye, où tant de nobles créatures, issues des meilleures familles, attendaient le jour du supplice. Mais il y avait dans cet affreux quartier un vieux serviteur des Courcy, d’une fidélité sur lequel notre fugitif n’avait pas le moindre doute. Je crois que c’était l’ancien jardinier de l’hôtel, celui qui entretenait ces parterres où mon pauvre Urian jouait autrefois avec le fils de la marquise. Toujours est-il que ce brave homme cacha Clément dans son grenier, qu’il lui procura de nouveaux habits, plus en rapport avec ceux de la classe ouvrière parisienne ; et qu’après avoir attendu quelques jours pour détourner les soupçons, Clément put se mettre à la recherche de sa cousine. Il la trouva, ainsi qu’on le lui avait dit, chez l’ancienne concierge de son père, Mme Babette, qui, moins fidèle ou plus intéressée, n’avait pas pour cette jeune fille les sentiments respectueux que le jardinier témoignait à son hôte.

J’ai vu le portrait de Mlle de Courcy, une miniature qui se trouvait en possession d’une femme de qualité, ancienne amie du comte, exilée comme tant d’autres par les fureurs populaires. Autant que je puis le supposer d’après cette miniature, Virginie était comparativement plus grande et plus forte que le jeune marquis, dont les traits et la taille avaient, dans leur délicatesse, quelque chose de féminin. Ses cheveux noirs étaient disposés par petites boucles nombreuses. À cette époque la coiffure indiquait l’opinion politique des individus, comme l’avaient fait jadis les mouches pendant la vie de ma grand’mère ; et l’arrangement des cheveux de Mlle de Courcy me déplaisait, ou plutôt il blessait mes principes. Elle avait de grands yeux bruns dont le regard était doux et ferme ; on