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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/107

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LADY LUDLOW.

Depuis cet horrible instant, Mlle de Courcy habitait un affreux bouge, situé derrière la loge de Mme Babette, et n’avait quitté ce réduit que pour aller dans la petite chambre de la portière, dont elle se gardait bien de franchir le seuil.

Je ne crois pas que l’ancienne concierge regrettât d’avoir sauvé la noble orpheline, qui, sans elle, eût évidemment partagé le sort du comte ; mais la pauvre femme n’était pas riche, son frère la payait le moins possible, elle ne trouvait qu’à grand’peine le moyen de nourrir son fils, et bien que Virginie mangeât fort peu, Mme Babette ne tarda pas à sentir qu’elle s’était imposé une charge d’autant plus lourde, qu’on ne pouvait pas prévoir l’époque où elle serait délivrée de ce fardeau.

Les de Courcy étaient complètement ruinés ; c’était d’ailleurs une famille éteinte ; et sans donner ouvertement les mains à ce projet, Mme Babette commençait à penser que Mlle Virginie, seule au monde, sans pain et sans asile, ne ferait pas mal d’encourager les attentions du jeune Morin, fils de l’acquéreur de l’auberge, et, par conséquent, propre neveu de ladite concierge.

Morin fils venait tous les deux jours à l’hôtel recevoir l’argent que sa tante avait touché pour son père, et c’est ainsi qu’il avait vu la protégée de Mme Babette. Il lui avait été facile de reconnaître qu’elle était d’un rang bien supérieur au sien, et devina, rien qu’à la grâce et à la dignité de la jeune fille, qu’elle avait perdu ses protecteurs naturels par l’affreuse mort qu’on réservait aux nobles ; mais il ne put jamais obtenir de sa tante le véritable nom de Mlle de Courcy. Toujours est-il que, princesse ou paysanne, Morin fils devint amoureux de la proscrite, et que si d’abord il ne révéla sa passion que par la réserve pleine de gaucherie que lui inspirait la noble fille, il en vint sans doute à faire le même raisonnement que sa