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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/120

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AUTOUR DU SOFA.

cousin, et que ce serait un grand bonheur pour elle d’épouser un homme aussi riche que M. Morin fils. C’était donc une bonne action que de concourir à faire faire ce beau mariage à Mlle Canne, mariage qui d’ailleurs devait rapporter à l’intermédiaire des bagues, des montres et des écus de cent sous à perpétuité.

Le surlendemain, Virginie eut la fièvre. Mme Babette l’attribua aux promenades de la jeune fille, qui aujourd’hui sortait par tous les temps, après avoir gardé la chambre pendant des mois entiers. La concierge avait raison ; mais l’impatience augmenta la fièvre de la recluse, et en dépit du frisson, de la toux et de la courbature, Mlle Canne serait sortie, comme à l’ordinaire, si Mme Babette ne s’y était formellement opposée. Le troisième jour, Virginie, profitant d’une minute où elle était seule, pria le petit Pierre de lui rendre un service.

« Allez, je vous en prie, lui dit-elle, chez le fruitier de la rue des Bons-Enfants ; vous y verrez des fleurs, regardez-les bien ; voilà deux flancs pour vous ; j’ai une envie excessive d’avoir des œillets ; rapportez-moi ceux que vous trouverez dans cette maison, quand même ils seraient fanés ; c’est ma fleur favorite, et j’ai besoin d’en respirer l’odeur. »

Pierre sortit en courant ; il allait donc tout savoir et comprendre le motif de ces longues stations devant l’étalage de la fruitière. Il ne se trompait pas, un bouquet d’œillets blancs se trouvait bien à la fenêtre ; il entra dans l’échoppe, dissimula son impatience, afin d’avoir le bouquet à bas prix, faisant valoir qu’il était tout fané, et l’eut presque pour rien.

C’est maintenant, poursuivit lady Ludlow en poussant un long soupir, que vous allez comprendre tout ce qu’il y a de dangereux à enseigner aux gens du peuple autre chose que ce qui leur est nécessaire pour gagner leur