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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/128

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AUTOUR DU SOFA.

d’autres pareilles, et je suis sûre de me voir bien accueillir. Mais à Mlle de Courcy ! Tu ne sais donc pas la différence ! Ces gens-là, je veux dire l’ancienne noblesse, ne distinguent pas un homme d’un chien quand il n’est pas de leur rang ; et je n’en suis pas surprise ; les nobles sont élevés si différemment de nous autres ! Si tu l’épousais demain, vois-tu, ce serait pour ton malheur ; tu peux m’en croire, je connais les aristocrates ; ce n’est pas pour rien que j’ai été concierge chez un duc et trois comtes ? Est-ce que tu crois que les manières ressemblent aux siennes ?

— Je les changerai, ma tante.

— Allons donc ! sois raisonnable, Morin.

— N’y comptez pas, si par être raisonnable vous entendez qu’il faut que je renonce à mon amour. Je vous répète qu’il n’y a pour moi que deux carrières : l’une avec elle, l’autre sans elle ; mais celle-ci, vous pouvez en être sûre, ne sera pas de longue durée ni pour elle, ni pour moi. » Et, se levant tout à coup, il laissa Mme Babette plus effrayée que jamais de ces paroles menaçantes.

Le récit de Pierre m’avait tellement impressionnée, continua lady Ludlow que je l’écrivis en rentrant pour mieux en garder le souvenir ; mais la narration du fils de dame Babette s’arrêtait brusquement à l’endroit où nous en sommes, car le lendemain matin Virginie avait disparu ; et ce n’est qu’après plusieurs jours d’attente que Babette et son fils en entendirent parler.

Néanmoins j’ai pu compléter cette histoire, grâce aux renseignements que Lefebvre tenait lui-même du vieux Jacques, cet ancien jardinier de l’hôtel chez qui était descendu Clément, lors de son arrivée à Paris, et chez qui le jeune homme avait été se réfugier en sortant de chez dame Babette. C’était par l’entremise de ce bon vieux serviteur que les deux cousins avaient pu s’entendre au