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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/140

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AUTOUR DU SOFA.

— Quel dommage qu’il n’ait pas entendu l’histoire de ce pauvre M. de Courcy ! m’écriai-je.

— Pas du tout, chère enfant, répliqua lady Ludlow ; un jeune homme qui, par son âge et par sa position, ne peut avoir qu’une expérience très-restreinte, doit incliner son opinion devant la mienne, sans qu’il soit nécessaire que je lui donne le motif de ma façon de penser, lorsque je veux bien condescendre à discuter avec lui.

— Cela aurait pu le convaincre, repris-je avec persévérance.

— Et quel besoin a-t-il d’être convaincu ? demanda Sa Seigneurie d’une voix pleine de douceur ; il n’a qu’une chose à faire, c’est d’approuver. Bien qu’il ait été désigné par M. Croxton, je n’en suis pas moins la maîtresse du château, il faut bien qu’il le sache. Mais c’est avec M. Horner que j’ai à m’entendre au sujet de ce petit Gregsone ; je crains bien qu’il n’y ait pas de méthode connue pour faire perdre à ce petit malheureux les fâcheuses connaissances qu’on lui a inculquées ; le voilà maintenant empoisonné d’un savoir que ne contre-balance aucun principe ; pauvre enfant ! j’ai grand’peur qu’il ne finisse par être pendu ! »

Le lendemain matin, M. Horner vint se justifier. D’après le son de sa voix, car milady l’avait reçu dans la chambre voisine, il était facile de comprendre combien il était vexé de la découverte que Sa Seigneurie avait faite. Lady Ludlow parlait avec autorité et se plaignait hautement, non sans motifs plausibles : M. Horner connaissait fort bien sa manière de voir à cet égard, et avait agi contre ses vœux de propos délibéré. Il le confessait lui-même, et ne l’aurait jamais fait en toute autre circonstance, sans lui en demander la permission.

« Que je ne vous aurais point accordée » répliqua lady Ludlow.