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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/147

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LADY LUDLOW.

à Sa Seigneurie pour oser la contredire, et il se contenta de faire valoir une foule d’obstacles qu’il présentait comme insurmontables, et que milady renversa d’une manière triomphante. On ne pouvait pas confier au dehors la correspondance relative au domaine, cela ne faisait aucun doute. Aussi miss Galindo aurait-elle une chambre au manoir où elle viendrait chaque matin ; elle avait une écriture superbe, cette besogne lui ménagerait les yeux ; elle possédait pour l’arithmétique des facultés toutes spéciales, et joignait à cette aptitude, en raison de sa naissance, une loyauté scrupuleuse qui lui ferait oublier le contenu des lettres qu’elle aurait eues entre les mains. Ce n’est pas elle qui les apprendrait par cœur et les réciterait sans en passer un mot. Quant à la rémunération, milady se chargeait de traiter ce point délicat ; elle inviterait miss Galindo à venir le soir même prendre le thé ; il ne lui restait plus à savoir qu’une chose : combien de temps la vieille fille devait-elle consacrer chaque jour à sa nouvelle besogne ? « Trois heures, dites-vous, suffiront ; très-bien, monsieur Horner. » Et le pauvre homme s’éloigna, peu satisfait du commis qui lui était donné, car je lui trouvai la mine bien longue quand il passa sur la terrasse pour se rendre à la poterne.

Une invitation de lady Ludlow équivalait à un ordre royal ; ajoutons que le village était trop paisible pour que ses habitants n’eussent pas toujours la libre disposition de leur soirée. De loin en loin, M. et Mme Horner invitaient les principaux tenanciers à venir souper chez eux avec leurs femmes, le pasteur, miss Galindo, mistress Medlicott, et une ou deux vieilles filles du voisinage. Milady ne manquait jamais, dans cette occasion solennelle, de fournir, comme plat d’honneur, un paon qui était servi froid, et la queue déployée comme aux plus beaux jours de son existence. C’était l’œuvre de mistress Medlicott, dont toute la matinée avait été consacrée à l’arrangement