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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/149

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LADY LUDLOW.

ouvrage ; c’est la chaleur qui en est cause ; on ne songe pas au mauvais temps ; et puis chacun a sa provision de bas depuis qu’avec cent douze sous on peut en acheter une paire.

— Avec votre activité, vous devez alors avoir beaucoup de loisir ? reprit lady Ludlow en se rapprochant de la question qu’elle avait à traiter, question qui, je le suppose, lui paraissait moins abordable qu’elle ne l’avait cru d’abord.

— Du loisir, Votre Seigneurie, oh ! Dieu non ! le village me donne bien assez de fil à retordre pour me tenir lieu de tricot. C’est un X qui me représente au bazar ; et je l’ai choisi parce que c’est l’initiale de Xantippe, la grondeuse la plus déterminée des temps anciens. Je ne sais vraiment pas comment irait ce bas monde si l’on cessait de gronder ; la terre s’arrêterait, et le soleil n’éclairerait plus.

— Je crois que je serais bien malheureuse, si j’étais obligée de m’en mêler, répliqua milady en souriant.

— C’est tout simple ; Votre Seigneurie a des gens qui s’en acquittent pour elle. Le monde se divise en trois sections : les saints, les grondeurs et les pécheurs. Vous êtes dans la première de ces catégories, parce que vous êtes douce par nature, et qu’il existe des personnes qui se chargent de votre colère et de vos contrariétés. À l’autre bout de l’échelle se trouvent les malheureux qu’on envoie en prison, comme ce pauvre Jonathan. Moi je suis à moitié chemin, n’ayant pas assez de vertu pour être avec les meilleurs, et néanmoins détestant le mal sous toutes ses formes, ne pouvant souffrir le vice, le désordre, la médisance ; témoin continuel de toutes ces choses qui se passent perpétuellement sous mes yeux, et n’ayant pas la patience d’un saint, il faut que je gronde. J’aimerais mieux être parfaite ; mais que voulez-vous, chacun