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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/151

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LADY LUDLOW.

pour venir déjeuner ici et pour nous accorder trois heures tous les jours, M. Horner vous donnerait les papiers… »

Milady s’arrêta ; la figure de la vieille fille s’était couverte de nuages ; il fallait un bien grand obstacle pour qu’elle pût résister au désir d’obliger Sa Seigneurie.

« Et que fera Sally pendant ce temps-là ? » dit-elle enfin avec un soupir. Lady Ludlow ignorait certainement l’existence de Sally, et, dans tous les cas, n’avait pas la moindre notion des perplexités qui assiégeaient l’esprit de la vieille fille à la seule pensée que sa naine resterait livrée à elle-même pendant trois ou quatre heures. Milady, habituée à vivre dans une maison où tout se faisait sans bruit, à l’heure dite, par des serviteurs nombreux, tous bien payés et fort habiles, ne soupçonnait pas la grossièreté de la souche d’où étaient sortis ses excellents domestiques. Chez elle, d’ailleurs, pourvu que le résultat fût bon, personne ne s’inquiétait du plus ou moins de dépense qui avait été faite pour en arriver là ; tandis qu’un sou était chez miss Galindo une chose assez importante pour qu’elle en discutât l’emploi ; et de sombres visions de cuillerées de lait répandues, de croûtes de pain gaspillées, flottaient devant les yeux de la vieille fille. Néanmoins le désir d’être utile à milady lui donna la force de dominer toutes ses appréhensions.

« Qu’elle aille au diable, s’écria-t-elle en pensant à Sally. Mille pardons, Votre Seigneurie ; c’est à moi-même que je parlais ; une habitude que j’ai contractée pour m’exercer la langue ; et je m’adresse souvent la parole sans m’en apercevoir. Trois heures tous les matins !… Je serai trop heureuse de faire quelque chose qui puisse vous être agréable, milady. Je compte sur l’indulgence de M. Horner, du moins pendant les premiers jours. J’ai été sur le point de devenir auteur dans ma jeunesse, et il