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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/167

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LADY LUDLOW.

cette opinion devant vous, et me suis permis de vous dire combien je désapprouve certaines de vos idées. Vous comprenez dès lors que je fus assez mécontente lorsqu’on me rapporta que vous aviez pris quelques verges de la ferme de Hale pour y fonder une école. Vous l’aviez fait sans ma permission, bien que les convenances, autant que mon droit, vous obligeassent à me la demander ; et j’ai mis obstacle à l’accomplissement d’une chose qui me paraît fâcheuse pour le village et pour ceux qui l’habitent. Comment pouvez-vous croire, mon cher monsieur, que la lecture, l’écriture et la table de multiplication, en supposant que vous alliez jusque-là, puissent empêcher les enfants de blasphémer, d’être cruels et malpropres ? Je ne voudrais pas m’exprimer trop vivement à cet égard dans l’état où vous êtes, mais il me semble qu’en pareil cas la lecture fait peu de chose ; la moralité fait bien davantage, et ne s’apprend pas dans les livres.

— C’est à leur âme que je pense, milady ; et pour avoir sur elle un peu de prise, il faut bien que je l’éclaire ; sans cela que deviendront-ils dans l’autre monde ? Pour écouter mes paroles, il faut qu’ils puissent les comprendre. Jusqu’à présent ils ne reconnaissent que la force brutale…

— De votre propre aveu, monsieur Gray, ils ont pour moi de la déférence ?

— Ils craignent de vous déplaire, milady ; mais dès qu’ils peuvent vous cacher leur conduite, ils n’en font pas moins tout ce que Votre Seigneurie désapprouve, et s’inquiètent peu d’agir contre sa volonté.

— Monsieur Gray ! ceux dont vous parlez vivent, de père en fils, depuis des siècles sur la terre d’Hanbury. »

Le visage de lady Ludlow exprimait à la fois la surprise et une légère indignation.