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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/192

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AUTOUR DU SOFA.

mêlait une amertume que je ne saurais exprimer. Les exécuteurs testamentaires du comte lui écrivaient sans cesse, et jamais il n’avait déploré plus vivement cette fâcheuse hypothèque, dont le patrimoine des Hanbury était grevé au profit de la famille Ludlow. Tant que milord avait été de ce monde, la chose lui importait peu ; des deux domaines appartenant au même héritier, il était assez indifférent que l’un fût le débiteur de l’autre ; et milady avait toujours refusé de prendre aucune mesure qui pût assurer le payement du capital emprunté sur sa terre, ne pouvant pas, disait-elle, spéculer sur la mort de son fils.

Mais aujourd’hui qu’il n’était plus, et que décédé sans enfants, le comte laissait son héritage à un avocat d’Édimbourg, il devenait cruel de supporter les charges contractées pour les terres de milord, et de ne pas transmettre, à l’héritier des Hanbury, le domaine de la famille tel que milady l’avait reçu à la mort de son père.

Cette situation fâcheuse désespérait le vieil intendant : il s’était opposé de toutes ses forces à l’emprunt, et avait en horreur le payement des intérêts, qui obligeait lady Ludlow à certaines économies dérogatoires aux habitudes de la famille. Pauvre M. Horner ! il était si froid et si roide, si bref et si tranchant que personne ne lui rendait justice. Miss Galindo fut la seule qui m’en parlât jamais en termes affectueux, et qui s’inquiétât de lui autrement que pour s’éloigner à son approche.

« Mon pauvre maître est malade, me dit un jour la vieille fille, trois semaines environ après la mort du comte : il reste des heures entières la tête appuyée sur sa main, et c’est tout au plus s’il m’entend quand je lui adresse la parole. »

Elle ne s’étendit pas davantage à cet égard, et je ne me préoccupai nullement de l’état de M. Horner.