Aller au contenu

Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
LADY LUDLOW.

Lady Ludlow reparut enfin au milieu de nous, et reprit sa vie habituelle ; c’était maintenant une vieille femme, petite et frêle, et pliant sous ses lourds habits de deuil. Elle ne parlait point de sa douleur, et n’y faisait pas même allusion ; elle était seulement plus tranquille, plus pâle, plus douce qu’autrefois, et avait les yeux obscurcis par des larmes que personne ne lui vit jamais répandre.

M. Gray avait été reçu à l’expiration du mois que Sa Seigneurie avait passé dans la retraite ; mais je ne crois pas que cette dernière lui eût dit un mot de ses chagrins ; tout ce qui avait rapport à ses sentiments personnels paraissait enseveli au plus profond de son âme.

Un jour M. Horner envoya dire qu’il était trop indisposé pour venir au château faire sa besogne habituelle ; il écrivit en même temps à miss Galindo pour lui donner différents ordres, et ajouta qu’il serait le lendemain matin à son cabinet, mais le lendemain matin il était mort.

Ce fut la vieille fille qui l’annonça à lady Ludlow ; elle sanglotait en parlant, mais Sa Seigneurie ne pleura pas ; c’était pour elle une impossibilité physique ; elle avait répandu toutes ses larmes et ses yeux n’en avaient plus. D’ailleurs elle était bien moins étonnée de la mort de M. Horner, qu’elle n’était surprise d’être encore de ce monde : il lui semblait naturel qu’un serviteur aussi dévoué ne pût survivre au dernier membre de la famille à laquelle il avait toujours appartenu.

M. Horner était en effet un bien loyal serviteur ; je ne crois pas qu’aujourd’hui on puisse en trouver d’aussi fidèle ; peut-être ce que je dis là n’est-il, après tout, qu’une imagination de vieille femme.

Lorsque le testament du régisseur fut ouvert on découvrit que, peu de jours après la chute d’Henry Gregsone, l’intendant avait légué à celui-ci tout ce qu’il possédait,