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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/222

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AUTOUR DU SOFA.

de Warwick. La vieille fille s’engageait à payer la moitié de la dépense et à entretenir l’orpheline, tandis que le docteur promettait de faire payer le reste par la famille Gibson, ou de s’en charger lui-même, si les autres s’y refusaient.

Miss Galindo aimait peu les enfants, et il y avait plus d’un motif pour qu’il lui répugnât d’amener chez elle la fille de Mark Gibson. Lady Ludlow ne souffrait pas qu’on parlât en sa présence d’un enfant illégitime ; c’était l’un de ses principes, que la société ne devait pas même savoir qu’un bâtard existait ; et je crois que miss Galindo avait toujours été du même avis, jusqu’au jour où la question s’était posée dans son cœur.

La vieille fille n’avait donc pas le courage de prendre avec elle l’enfant d’une étrangère qui avait fait la honte de son sexe ; mais elle se rendait souvent à Warwick pour visiter Bessy ; elle travaillait pour l’orpheline bien longtemps après l’heure où chacun la croyait dans son lit ; et quand vint l’époque où il fallut mettre la petite fille en pension, miss Galindo travailla plus que jamais pour subvenir aux dépenses qui s’accroissaient de jour en jour. La famille Gibson avait d’abord payé sa part, bien que de fort mauvaise grâce ; puis elle avait rompu ses engagements et toute la charge retombait sur le docteur Trévor, qui la trouvait bien lourde avec ses douze enfants. Aussi la vieille fille avait-elle fini par prendre à elle seule la presque totalité du fardeau.

Il est difficile de consacrer à quelqu’un tous ses efforts, toutes ses pensées, de lui sacrifier son temps et son avoir sans finir par l’aimer. Laurentia aima donc de tout son cœur la fille de Mark, et l’enfant donna son affection à la vieille miss à qui elle devait tout, depuis la nourriture quotidienne jusqu’aux menus plaisirs et aux caresses qui la rendaient heureuse.