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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/23

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LADY LUDLOW.

chasse qu’il me racontait en me signalant tous les couverts, tous les détours de l’endroit où elle avait eu lieu, comme si la topographie m’en avait été connue ; et je m’étonnais de cette épithète de courant qu’il donnait au chien en question, ne voyant pas que la faculté de courir fût, chez une bête de cette espèce, un caractère distinctif dont il fallût tenir compte.

La route devint de plus en plus mauvaise au sortir de la plaine. Il n’est personne aujourd’hui qui, n’ayant pas vu les chemins qu’on avait il y a cinquante ans, puisse s’en faire une idée. C’est tout au plus si notre bête parvenait à nous sortir des ornières profondes où notre gig était logé, suivant l’expression du vieux Randal, et je ne voyais plus rien autour de moi, tant j’étais préoccupée de me retenir à la banquette pour ne pas être lancée au dehors par les cahots épouvantables qu’il nous fallait subir. J’aurais bien fait la route à pied ; mais j’aurais eu de la boue jusqu’à mi-jambe, et il était impossible de se présenter dans un pareil état devant Sa Seigneurie, que j’aurais scandalisée. Nous finîmes enfin par aborder au milieu d’un pâturage où, ayant la perspective de marcher à pied sec, je priai Randal de m’aider à sortir de voiture, ce qu’il fit avec joie par pitié pour sa bête, dont la robe était fumante.

Le pâturage descendait graduellement jusqu’à un bas-fond qui se déployait entre deux rangées d’ormes séculaires, indiquant sans doute qu’une avenue avait existé jadis à l’endroit où ils s’élevaient ; ce n’était plus aujourd’hui qu’une gorge remplie d’herbe où nous entrâmes au coucher du soleil. Tout à coup je me trouvai en face d’une certaine quantité de marches qui m’arrêtèrent et me firent tourner les yeux vers mon guide.

« Si vous voulez bien descendre l’escalier, me dit Randal, je vais faire le tour et je vous reprendrai en bas ;