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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/22

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AUTOUR DU SOFA.

Je me rappelle mon arrivée au château d’Hanbury comme si elle était d’hier. La malle-poste m’avait déposée dans la ville où je devais m’arrêter :

« N’êtes-vous pas miss Dawson et n’allez-vous pas à Hanbury-Court ? Un vieux domestique vous attend, » me dit l’aubergiste, qui me toisa des pieds à la tête. Je compris alors ce qu’il y avait de pénible à se trouver tout à coup au milieu d’étrangers, et il me fallut tout mon courage pour ne pas défaillir lorsque je perdis de vue la personne à qui j’avais été confiée par ma mère. Je fus enfin perchée dans une espèce de cabriolet qu’on appelait alors une chaise, et nous traversâmes, mon compagnon et moi, le pays le plus champêtre que vous ayez jamais vu.

Arrivés au bas d’une montée assez longue, mon conducteur mit pied à terre et marcha près de son cheval ; j’aurais voulu en faire autant, mais je n’osais pas demander à ce brave homme de m’aider à descendre, et je restai dans la voiture. En haut de la côte se trouvait une grande plaine balayée par le vent, et qu’on nommait la chasse. Le vieux groom s’arrêta, reprit haleine, caressa son cheval en lui frappant sur le cou, et vint se remettre à côté de moi. »

« Sommes-nous bientôt arrivés, lui demandai-je.

— Ah bien ! oui, miss : nous avons encore une dizaine de milles à faire. »

Une fois la conversation entamée, elle ne s’arrêta plus. J’imagine que le pauvre homme avait été comme moi, et n’avait pas osé rompre le silence ; mais il domina sa timidité plus aisément que je ne triomphai de la mienne, et c’est lui qui se chargea d’alimenter l’entretien. J’eus alors des récits interminables dont il m’était impossible de comprendre l’intérêt ; par exemple, celui d’une chasse que lui avait donnée un certain chien courant dont il avait été poursuivi, il y avait de cela trente et quelques années,