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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/271

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UNE RACE MAUDITE.

cette égalité cessait, et les habitants de race pure luttèrent avec acharnement pour conserver le privilège d’être enterrés à part de la caste exécrée. Les cagots ne mirent pas moins de persévérance à réclamer une place au milieu du cimetière, et les textes de l’Ancien Testament furent compulsés de nouveau. Les purs citèrent d’une voix triomphante le cas d’Ozias, le lépreux, qui fut enterré dans le champ où étaient les tombeaux des rois, et non dans les tombeaux mêmes (livre II des Paralipomènes, chapitre xxvi). Les cagots répondirent à cela qu’ils étaient sains de corps, et n’offraient pas le moindre signe de lèpre ; mais on leur opposa l’argument que j’ai cité plus haut, et qu’il est très-difficile de rétorquer, à savoir : que cette maladie est de deux sortes, visible et invisible, et que les cagots étant affectés de cette dernière espèce de lèpre, le fait devait être laissé à la décision des autres, car il leur était impossible d’en juger par eux-mêmes.

Une famille de cagots opiniâtres, appelés Belone, plaida pendant quarante ans pour obtenir le privilège de sépulture commune. Cette demande lui avait été accordée tout d’abord ; le curé de Biarritz n’en avait pas moins continué à suivre l’ancien usage, bien qu’il fût condamné à payer cent livres toutes les fois qu’un cagot n’était pas enterré à la place voulue ; et les habitants de la paroisse se cotisaient pour fournir le montant de ces amendes.

M. de Romagne, évêque de Tarbes, qui mourut en 1768, fut le premier qui permit à un cagot de remplir une charge ecclésiastique.

Il est certain que parmi les cagots, il s’est trouvé des individus assez faibles pour refuser les fonctions qui leur étaient offertes, parce qu’en acceptant ainsi le bénéfice de l’égalité civile, ils avaient à payer les taxes publiques, au lieu du droit de capitation prélevé sur les membres