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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/309

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LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

couragé par l’impunité, dirigea ses injures contre l’innocent qui venait de mourir, Owen ne se contint plus, et, saisissant le railleur impitoyable, il le souffleta d’une main vigoureuse.

Aussitôt revenu à lui-même, il lâcha l’enfant, et vit avec horreur le petit Robert glisser sur le carreau. Le fait est, qu’étourdi par le coup qu’il venait de recevoir, et, surtout effrayé, le gamin avait jugé plus sage de paraître évanoui.

Plein de remords, et se reprochant amèrement sa violence, Owen avait ramassé Robert, et le traînait vers un lit placé dans un coin de la chambre, lorsqu’entra sir Griffith.

Le matin de ce jour fatal, le squire était la seule personne du manoir pour qui le mariage de l’héritier de Bodowen avec Nest Pritchard fût encore une chose secrète. On avait remarqué les visites fréquentes du jeune homme au pêcheur de Ty-Glas, le changement qui s’était opéré dans la conduite et dans les manières de Nest, et l’on avait fini par découvrir la vérité. Mais l’influence de mistress Griffith était si grande, que personne n’avait osé dire un mot de cette affaire à sir Griffith, avant qu’elle eût jugé convenable de lui en parler elle-même.

Or, il se trouva que, d’après elle, le temps était venu de faire connaître à son mari la mésalliance dont Owen s’était rendu coupable. Elle arriva tout en pleurs, se fit arracher la triste nouvelle, s’étendit avec complaisance sur la réputation de légèreté qu’avait autrefois la jolie Nest, et ne manqua pas d’insinuer que, même aujourd’hui, c’était une coureuse de bocages et de bruyères, suivant l’expression consacrée dans le pays de Galles pour désigner une femme perdue.

Sir Griffith s’était dirigé immédiatement vers Ty-Glass, sans avoir d’autre but que d’épancher sa colère.