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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/310

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AUTOUR DU SOFA.

Nous avons assisté à la déplorable scène qui était résultée de cette démarche. Il était sorti du cottage plus irrité que jamais, et venait de rentrer chez lui, où les insinuations perfides de sa femme avaient aigri son ressentiment. C’est alors qu’il distingua la voix de Robert, probablement en dispute avec quelqu’un ; il accourut vers l’endroit où le bruit se faisait entendre, et vit le corps de son favori traîné par le coupable Owen, dont le visage contracté annonçait une colère récente. Quelques mots poignants dits à voix basse exprimèrent l’indignation du squire ; et tandis qu’Owen, silencieux et fier, dédaignait de se justifier auprès de celui dont il avait bien autrement à se plaindre, mistress Griffith parut à son tour dans la chambre. Le squire, en voyant l’émotion toute naturelle de sa femme, sentit redoubler sa fureur, et dans son aveuglement, il se persuada que la violence dont Owen avait fait preuve, à l’égard du petit Robert, était préméditée. Il appela ses domestiques à son aide, afin, disait-il, de préserver sa vie et celle de sa femme des attaques de son fils. Les regards des valets étonnés allaient de mistress Griffith, qui sanglotait en serrant le bambin sur son cœur, au visage furieux du squire, pour s’arrêter sur le malheureux Owen, qui n’avait pas même entendu les paroles de son père ; car devant ses yeux gisait le cadavre d’un petit enfant ; et dans les cris de mistress Griffith il entendait les gémissements d’une pauvre mère dont la douleur était sans espoir.

Si Owen avait été livré à sa propre nature, il aurait cherché, à force de soins et de tendresse pour Robert, à expier la faute qu’il avait commise dans un moment de violence ; mais, irrité par l’injustice, endurci par sa propre douleur, il ne chercha pas même à s’excuser, et ne fit aucun effort pour échapper à l’emprisonnement au-