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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/59

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LADY LUDLOW.

Ludlow me prit, pour ainsi dire, spécialement sous sa charge ; même aujourd’hui, tandis que, seule et vieille, je me rappelle le passé, je la bénis pour les instants de bonheur que me procure son souvenir.

Je ne crois pas qu’il existât de meilleure garde-malade que mistress Medlicott, et je ne lui conserverai jamais assez de reconnaissance pour tous les soins qu’elle m’a prodigués : mais elle ne savait que répondre à mes plaintes, et se démoralisait devant mes larmes. En face de mes accès de désespoir, qui duraient des heures entières, la seule consolation qui vînt à l’esprit de l’excellente femme était de courir à l’office et d’en rapporter quelque chose de fortifiant, ou qui pût exciter l’appétit ; je suis persuadée qu’à ses yeux une transparente gelée et dûment aromatisée, devait guérir tous les maux.

« Prenez cela, me disait-elle, prenez cela, chère enfant, et ne vous désolez pas pour une chose qu’on ne saurait empêcher. »

Elle finit cependant par découvrir que les mets les plus délicats ne pouvaient rien contre la douleur morale, et fut à la fois très-surprise et très-embarrassée de la découverte qu’elle venait de faire.

Nous en étions là toutes les deux, moi, me désolant toujours, et la pauvre femme ne sachant plus quelle consolation m’offrir, lorsque je descendis pour voir le docteur, qui m’attendait dans la chambre de mistress Medlicott, une grande pièce entourée d’énormes armoires toutes remplies de confitures et de friandises, que la digne gouvernante fabriquait perpétuellement, sans jamais y goûter. Lorsque le médecin fut parti, je remontai dans ma cellule, sous prétexte d’y ranger quelque chose, mais, à vrai dire, pour y pleurer tout à mon aise ; et c’est là que John, le valet de pied, vint m’annoncer que milady me priait de descendre dans la pièce dont j’ai parlé