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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/62

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AUTOUR DU SOFA.

Je ne me sentis pas à l’aise durant cette première séance, et même les jours suivants, en dépit du confortable dont j’étais environnée ; mais je fus distraite de ma douleur par la curiosité qu’éveillaient en moi les nombreux objets que nous sortions de ces vieux tiroirs. Je me demandais, sans pouvoir le comprendre, pour quel motif beaucoup d’entre eux avaient été conservés ; par exemple, un chiffon de papier sur lequel étaient écrits huit ou dix mots n’ayant pas de sens, un fragment de cravache, une pierre, des cailloux pareils à tous ceux que j’aurais pu trouver dans les champs, ou du moins je le pensais. Combien j’étais ignorante ! Milady m’informa que c’étaient des échantillons du marbre précieux dont les palais des empereurs romains étaient carrelés jadis.

Pendant un voyage en Italie qu’elle avait fait dans sa jeunesse, avant d’épouser lord Ludlow, son cousin Horace, envoyé d’Angleterre en Toscane, lui avait dit d’aller dans la campagne de Rome, à l’époque où l’on préparait la terre pour y semer les oignons, et de ramasser les petits morceaux de marbre qui seraient ramenés à la surface du sol par les cultivateurs. Elle avait fait ce que lui avait recommandé sir Horace, et avait eu l’intention de faire composer une table avec toutes les pierres qu’elle avait recueillies de la sorte ; je ne sais pas ce qui l’avait empêchée de réaliser ce projet ; toujours est-il que les cailloux de l’ancienne Rome étaient encore souillés de la boue du champ d’oignons où ils avaient été ramassés. Il me parut facile de les nettoyer, et l’idée m’en vint aussitôt ; mais Sa Seigneurie n’y voulut pas consentir ; elle avait un profond respect pour cette boue, qu’elle appelait pompeusement de la terre romaine, et qui n’en était pas moins sale.

Parmi les objets contenus dans le vieux bureau, et dont j’étais à même d’apprécier la valeur, se trouvaient