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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/63

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LADY LUDLOW.

des boucles de cheveux soigneusement étiquetées, des médaillons, des bracelets ornés d’une miniature. Milady les contemplait d’un air mélancolique ; il était facile de voir que les cheveux avaient appartenu à des êtres chéris, qui ne répondraient plus à ses caresses, et dont la dépouille n’existait même plus sous le gazon où elle avait été déposée. J’imagine que c’étaient les cheveux de ses enfants ; mais ce n’est qu’une simple conjecture. Lady Ludlow ne parlait jamais de ses affections ; plusieurs motifs s’y opposaient : d’abord, sa haute naissance ; je lui ai souvent entendu dire que les personnes d’un rang élevé ne pouvaient confier leurs sentiments qu’à leurs égaux, et ne devaient même le faire que dans certaines occasions. De plus, elle était fille unique, héritière d’un grand nom, et je suppose que l’éducation qu’elle avait reçue l’avait rendue plus apte à réfléchir qu’à exprimer sa pensée. Enfin, elle était veuve depuis longtemps, et n’avait auprès d’elle personne du même âge que le sien, avec qui elle pût s’entretenir des joies ou des douleurs qu’elle avait eues dans le passé.

Il y avait bien mistress Medlicott ; mais elle était silencieuse par nature, et je ne vois guère que mistress Adam qui causât avec Sa Seigneurie.

Au bout d’une heure, milady trouva que j’en avais fait assez et me quitta bientôt pour se promener en voiture ; elle me laissa un volume d’Hogarth et son grand livre de prières, ouvert aux psaumes du jour, et placé sur la table qui était auprès de mon fauteuil. Mais au lieu de feuilleter l’un ou l’autre de ces livres d’une nature si différente, je m’amusai à regarder autour de moi. La boiserie qui garnissait la muraille du côté de la cheminée, datait bien certainement de l’origine de l’édifice ; les armes des familles qui s’étaient alliées à la maison d’Hanbury en décoraient les panneaux depuis le plafond jusqu’en bas.