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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/65

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LADY LUDLOW.

plaire à l’un des membres d’une famille où la perception des sens est cultivée depuis des siècles. Il n’était donc jamais question de musc au château d’Hanbury. La bergamote et la citronnelle, bien que d’essence végétale, n’en étaient pas moins proscrites par lady Ludlow ; elle les considérait comme trahissant des goûts peu élevés chez les personnes qui en faisaient choix, et remarquait avec tristesse une petite branche de l’une de ces plantes à la boutonnière d’un jeune homme à qui elle s’intéressait : elle avait peur qu’il n’aimât les plaisirs grossiers, et je crois qu’elle y voyait la preuve d’une tendance à l’ivrognerie. Mais elle faisait une grande distinction entre le vulgaire et le commun ; l’églantier odorant, la violette et le chèvrefeuille sont communs pour tout le monde, l’œillet, la rose et le réséda se voient dans tous les jardins ; mais ils n’ont rien de vulgaire : la reine au milieu de sa cour peut en avoir un bouquet et le respirer avec plaisir ; et l’on trouvait sur la table de milady, un vase rempli d’œillets et de roses, qui étaient renouvelés chaque matin.

Parmi les odeurs permanentes, lady Ludlow préférait l’aspérule et la lavande aux extraits les mieux préparés. La lavande lui rappelait les anciennes coutumes ; il y en avait autrefois dans tous les jardins rustiques, et les femmes de la campagne lui en avaient souvent offert de véritables gerbes. L’aspérule se rencontre dans les endroits solitaires et boisés où le sol est bon, l’air vif et pur ; les petits enfants allaient en cueillir pour elle dans les bois qui couvrent les hauteurs, et recevaient en échange de beaux sous neufs que Sa Seigneurie faisait demander pour cet usage, et dont lord Ludlow, son fils, lui envoyait un grand sac de Londres.

Milady n’aimait pas l’essence de rose ; c’était pour elle un parfum nauséabond qui la rendait malade et qui rappelait les femmes des marchands de la Cité ; elle envelop-