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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/64

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AUTOUR DU SOFA.

La pièce ne renfermait qu’un petit miroir, bien qu’il y eût dans le château un salon dont les murs étaient entièrement couverts de glaces, rapportées de Venise par le bisaïeul de milady. Des vases de porcelaines de Chine, de toutes les dimensions et de toutes les formes, se voyaient dans les coins, sur les tables et autour de la chambre, où ils se mêlaient à des idoles chinoises, ou plutôt à des monstres d’une laideur effroyable, dont je ne supportais pas la vue, mais que Sa Seigneurie estimait par-dessus tout. Un tapis d’une grande épaisseur couvrait le milieu de la pièce, dont le parquet était composé d’une mosaïque de bois précieux ; les portes à deux battants glissaient dans des rainures de bronze, incrustées dans le parquet ; elles étaient si pesantes que sans cette précaution il eût été difficile de les ouvrir. Les deux fenêtres s’élevaient jusqu’à la corniche, mais elles n’étaient pas larges et se trouvaient placées dans une embrasure profonde qui renfermait de grands sièges.

La pièce était remplie des parfums qui venaient du dehors, et de ceux qui, à l’intérieur, s’exhalaient des vases remplis de feuilles de roses et de plantes aromatiques. Savoir choisir les odeurs était une des qualités dont se piquait milady ; rien, suivant elle, ne prouvait mieux la naissance que la délicatesse de l’odorat ; elle en donnait pour exemple le soin scrupuleux que mettent les chasseurs à conserver la race des chiens pourvus d’un flair plus subtil que les autres, et ne manquait pas de nous faire observer que cette faculté précieuse se transmet, de génération en génération, chez des animaux qu’on ne peut pas soupçonner d’orgueil familial, et dont l’esprit n’est point influencé par les souvenirs héréditaires. Jamais on ne parlait de musc en sa présence : c’était l’une de ses antipathies ; aucune odeur provenant du règne animal ne pouvait être assez pure, nous disait-elle, pour