Aller au contenu

Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
AUTOUR DU SOFA.

vrages aussi précieux ne pouvait être évalué d’après le tarif des cabinets de lecture. Une autre fois il m’abordait, les mains pleines de cartes manuscrites, en me priant de les distribuer parmi mes connaissances, cartes qui n’étaient autre chose que le programme de mes études avec la promesse de me faire faire les progrès les plus rapides ; mais j’aurais cent fois mieux aimé être la plus ignorante des femmes que d’avoir ce vieux renard pour maître. Il en résulta qu’ayant fini par décliner toutes ses propositions, nous eûmes à subir les conséquences de sa mauvaise humeur : telles que de rester à la porte sans pouvoir nous faire ouvrir, lorsque par aventure nous avions oublié notre clef, tandis que le vilain homme prenait l’air à sa fenêtre, où il paraissait plongé dans une méditation philosophique, dont notre appel ne parvenait pas à le distraire.

Les femmes de la maison étaient meilleures, bien que la pauvreté, en pesant sur elles, eût vicié leur nature. Miss Mackensie retranchait à nos repas tout ce qu’elle pouvait décemment nous rogner. Si par hasard, ayant moins d’appétit que la veille, nous laissions quelque chose au fond du plat, elle s’en autorisait pour nous mettre à la portion congrue jusqu’à ce que ma gouvernante lui en eût fait des reproches.

L’Écossaise courte et grosse, qui faisait tout dans la maison et qu’on appelait Phénix, était d’une probité scrupuleuse, mais elle avait toujours l’air mécontent, malgré notre générosité. Je suis sûre que les Mackensie ne lui donnaient pas un sou de gages et qu’elle n’avait pour tout payement que les pièces des locataires. Mistress Dawson, qui le supposait avec nous, prétendait que la pauvre fille était heureuse de nous avoir, car elle affirmait que nous donnions, pour le service, autant que dans les maisons les mieux meublées.