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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/85

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LADY LUDLOW.

— Parce que nous ne sommes pas riches, lui répondit Clément ; la cheminée est couverte de sculptures qui déchireraient mon habit et ma culotte, et ma mère ne peut pas m’en acheter d’autres avant l’année prochaine ; tandis que demain matin j’y monterai, n’ayant qu’une vieille chemise.

— Vous vous déchirerez les jambes.

— On ne s’inquiète pas de cela dans ma famille, » répondit le jeune de Courcy en se dégageant du bras de mon fils avec un geste plein de réserve et de dignité. Mais Urian n’était pas de nature à se laisser repousser par les gens qu’il aimait ; il posa de nouveau son bras sur l’épaule de son ami, l’implora du regard et fit si bien qu’au bout de quelques minutes, Clément se promenait avec lui bras dessus bras dessous, et tous les deux se mirent à causer d’un air grave, comme s’ils avaient été des hommes. Quelle amitié n’eût pas uni plus tard ces deux compagnons d’enfance ! Jamais je ne songe à Urian sans voir l’ombre de son jeune ami flotter autour de la sienne.

Le lendemain matin je n’étais pas encore sortie de ma chambre, lorsque le domestique de Mme de Courcy apporta le nid d’étourneau que ce pauvre Clément avait été prendre, et qu’il envoyait à mon fils.

Nous revînmes en Angleterre ; les deux enfants s’écrivirent ; j’échangeai quelques lettres avec la marquise. Urian s’embarqua ; vous savez quelle fut sa destinée. Je reçus à cette occasion quelques lignes de Clément ; certes je ne doutais pas de la douleur qu’il ressentait de la mort de son ami. Toutefois, sa lettre n’en disait rien ; elle était froide et compassée. Pauvre jeune homme ! il s’était donné beaucoup de peine, j’en suis sûre ; mais que peut-on dire à une mère qui a perdu son enfant ? Le monde ne pense pas ainsi ; en général, on doit se con-