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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/86

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AUTOUR DU SOFA.

former à ses usages. Cependant, il m’a toujours semblé qu’un silence respectueux est ce qu’il y a de préférable en face d’un pareil malheur. La lettre de Mme de Courcy n’était pas moins cérémonieuse ; mais elle ne pouvait pas éprouver de cette perte le même chagrin que son fils, et je ne souffris pas autant du vide que me laissèrent les expressions de condoléance qu’elle m’avait adressées. Nous échangeâmes quelques politesses pendant encore un an ou deux ; c’était un léger service, un ami que l’on se recommandait avec confiance ; puis nos rapports cessèrent. Vint la Révolution. Quiconque n’a pas vécu à cette époque ne peut pas s’imaginer avec quelle impatience on attendait les nouvelles ; se figurer la terreur que répandaient à chaque instant des bruits affreux, relativement à la fortune et à la vie des personnes qui vous avaient accueillis avec tant de grâce. Il se cachait assurément bien des défauts, bien des travers sous ces dehors gracieux ; mais nous autres Anglais, qui n’avions fait que visiter la France, nous ne connaissions que les qualités de ceux qui nous avaient reçus.

Le fils de Mme de Courcy vivait toujours, tandis que trois des miens étaient morts depuis mon retour en Angleterre. Je ne pense pas, même aujourd’hui, qu’il y ait égalité dans les différents lots qui nous échéent ici-bas ; mais, quel que soit celui que nous ayons en partage, nous devons l’accepter sans le comparer au sort des autres.

La terreur augmentait tous les jours. « Que va-t-il arriver ? » demandait chacun à tous ceux qui apportaient des nouvelles du continent. Où ces démons étaient-ils cachés, lorsque naguère nous jouissions des plaisirs et des charmantes amitiés de Paris ?

Un soir, j’étais seule ; nous nous trouvions à Londres. Milord était allé au club avec M. Fox et les autres ; il