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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/94

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AUTOUR DU SOFA.

avait entendu ces paroles ; il s’approcha de la marquise, et tous les deux se regardèrent en silence. Le visage altier de Mme de Courcy demeurait impassible ; et, malgré leur douceur, les yeux de Clément exprimaient une résolution inébranlable. Après avoir conservé cette attitude pendant quelques secondes, le noble enfant mit un genou en terre, prit la main osseuse de la marquise, main roide et glacée qui ne se ferma pas sur la sienne, et d’une voix respectueuse et douce :

« Ma mère, lui dit-il, veuillez me laisser partir.

— Qu’a-t-elle répondu ? m’écriai-je.

— La marquise, reprit milady avec lenteur, comme pour obliger sa mémoire à lui rendre les paroles que je lui demandais, la marquise laissa tomber ces mots d’une voix glaciale : « Mon cousin, lorsque je me marierai, j’épouserai un homme et non pas un petit-maître ; un homme qui honorera l’humanité par ses vertus, quel que soit le rang qu’il occupe dans le monde, et qui ne se contentera pas de vivre dans une cour efféminée, d’après les traditions d’une grandeur éteinte. » Comme vous voyez, ajouta la marquise en s’adressant à moi, elle empruntait le langage de M. Rousseau, l’ami de son père, non moins infâme que l’écrivain dont elle avait les principes. Et voilà la personne que mon fils demandait en mariage.

— J’accomplissais la volonté de mon père, objecta Clément.

— Dites que vous l’aimiez ; et que c’est pour combattre l’opposition que je faisais à cette alliance que vous avez évoqué ce simple désir de votre père, exprimé il y a douze ans, répondit la marquise. Je ne voulais pas de cette union ; vous avez, malgré cela, sollicité la main de votre cousine ; elle vous a refusé avec insolence, et vous me quitteriez pour elle ! Vous me laisseriez seule en pays étranger.