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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/95

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LADY LUDLOW.

— Seule, ma mère ! La comtesse Ludlow n’est-elle pas auprès de vous ?

— Pardon, madame, reprit la marquise ; mais la terre fût-elle remplie d’êtres bienveillants et dévoués, qu’elle n’en serait pas moins déserte pour la femme qui est éloignée de son fils ; et le mien m’abandonnerait pour cette fille athée, dont l’âme s’est corrompue aux doctrines des encyclopédistes ! Le danger qu’elle court aujourd’hui n’est que le résultat de ses principes ; laissez-la recueillir les fruits qu’elle a cultivés. Sans doute elle a des amis, peut-être même des amants, parmi ces démons qui, au nom de la liberté ; se permettent les plus atroces licences. Elle vous a méprisé, Clément ; ayez assez de fierté pour ne pas vous occuper d’elle.

— Ce n’est pas à cela que je pense, ma mère, c’est au danger qu’elle court.

— Songez plutôt à moi, qui vous défends de partir. »

Clément fit un profond salut, et sortit de la chambre comme s’il eût été frappé de cécité. La marquise lui vit étendre les mains en chancelant pour chercher où était la porte, et je crus qu’elle allait être ébranlée ; mais elle se retourna vers moi et m’expliqua les motifs qui l’empêchaient de consentir à la démarche de son fils. Le comte, frère cadet de son mari, avait, disait-elle, usé de son influence pour troubler leur ménage, et c’était à force d’intrigues qu’il avait imposé au marquis cette clause relative au mariage des deux cousins. Le comte de Courcy, chargé de la tutelle de son neveu, avait en outre blessé la marquise par une foule de procédés ; et je me rappelais qu’à l’époque où nous avions loué l’hôtel de la rue de Lille, milord avait cru voir que cet arrangement, conclu entre lui et le comte, déplaisait à la marquise. Jamais celle-ci ne mettait les pieds chez son beau-frère ; mais il était impossible qu’elle empêchât son fils de voir le