Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/107

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penser, la voyant si alerte, que ma tante avait raison de ne point s’alarmer.

J’ai dit que je devais passer à la ferme le jour suivant. Nous avions autour de nous plusieurs pouces de neige, et comme, au dire des gens experts, elle n’était pas toute tombée, le ministre s’occupait de bien abriter son bétail en vue de froids prolongés. Les domestiques fendaient du bois, ou portaient au moulin, avant, que les chemins fussent devenus impraticables, les blés destinés à la consommation d’hiver. Ma tante et Phillis, montant au grenier, couvraient les fruits qu’il fallait préserver de la gelée.

J’étais resté dehors presque toute la matinée et ne rentrai guère qu’une heure avant le dîner. Ma surprise fut grande quand je trouvai Phillis, que je savais devoir être occupée ailleurs, assise près du dressoir, la tête dans ses mains et lisant ou feignant de lire. Elle ne leva pas les yeux lorsque j’entrai ; à peine discernai-je le sens de quelques explications qu’elle me donna, et d’où il semblait, résulter que sa mère n’avait pas voulu la garder au froid. Il me sembla pourtant qu’elle pleurait, et ma première pensée fut qu’elle cédait à quelque mouvement d’humeur. Pauvre enfant, elle si patiente et si douce, la croire capable d’une pareille faiblesse !

Je me baissai pour remettre en ordre le feu, dont l’édifice menaçait ruine. À ce moment, un bruit frappa mon oreille ; je m’arrêtai pour mieux entendre et m’assurai que c’était bien un sanglot, un sanglot que ma cousine n’avait pu comprimer.

Je me redressai brusquement.

« Phillis ! » m’écriai-je, allant à elle la main tendue pour saisir la sienne et lui témoigner la part que je prenais à son chagrin, quel qu’il fût ; mais, plus alerte que moi, elle se hâta de se soustraire à cette étreinte, qui