Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/108

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m’aurait permis de la retenir, et sur-le-champ elle s’élança hors de la maison en sanglotant toujours.

« Non, Paul, disait-elle, laissez, laissez-moi !… C’est intolérable !… »

Que signifiait tout ceci ? À cette Phillis, aimée de tous, qu’avait-il donc pu arriver ? Étais-je, sans le savoir, la cause de son irritation ? Mais elle pleurait avant que je fusse entré. J’allai regarder son livre, un de ces ouvrages italiens dont je ne comprenais pas le premier mot ! J’avisai enfin sur les marges quelques notes au crayon, tracées de la main d’Holdsworth.

Était-ce donc cela ? Devais-je m’expliquer ainsi cet abattement, cette langueur, ces yeux attristés, ce visage flétri, ces sanglots mal contenus ? L’idée m’en vint seulement alors, jetant sur toute chose, comme l’éclair dans la nuit, une lumière dont le moindre détail reçoit une valeur ineffaçable, même après le retour des ténèbres.

J’étais encore debout, le livre en main, lorsque j’entendis venir ma tante, et, ne me souciant pas de lui parler en ce moment, je me lançai hors de la maison, à l’exemple de Phillis.

Un tapis de neige recouvrait le sol et avait gardé l’empreinte de ses pas, ce qui me permettait de la suivre. Je pus m’assurer de même qu’à certain endroit Rover était venu la rejoindre. En me dirigeant sur leurs traces, j’arrivai dans le verger à une énorme pile de bois appuyée contre la muraille extérieure du hangar, et je me rappelai alors ce que Phillis m’avait raconté lors de notre première promenade, « qu’elle s’était pratiqué dans ce chantier, lorsqu’elle était encore enfant, un ermitage, une espèce de retraite consacrée, où elle apportait tantôt ses livres, tantôt son ouvrage, pour étudier ou travailler en paix lorsque sa présence n’était pas requise dans la maison. »