Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/126

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Le ministre venait de rentrer, et comme la chaleur était extrême, il avait déposé son habit sur le dos d’une chaise.

« À propos, s’écria-t-il, j’ai trouvé à la poste une lettre qu’ils avaient gardée, ne voulant pas la confier au vieux Zekiel. »

Zekiel, ceci soit dit en passant, était un facteur comme on en voyait encore avant la réforme postale ; ses poches lui servaient de sac, et jamais il ne s’inquiétait du sort de ses dépêches, pour peu qu’il rencontrât une bonne âme disposée à se charger de les remettre à destination.

« Voyez, Phillis, et donnez-moi cette lettre ! Nous allons avoir des nouvelles de Holdsworth… J’ai voulu vous en garder la primeur et rompre le cachet en famille… »

Ici mon cœur sembla s’arrêter, et, n’osant lever les yeux, je restai penché sur mon assiette. Qu’allait-il arriver ? quelle contenance garderait Phillis ?

Après quelques secondes, le ministre reprit la parole.

« Eh bien ! Qu’est-ce que cela signifie ? Deux simples cartes, et pas un mot de plus que son nom ?… Je me trompe, un des billets porte celui de mistress Holdsworth ! Il est donc marié, notre jeune homme ? »

Je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil du côté de Phillis, et il me parut qu’elle avait, elle aussi, voulu s’assurer de la mine que je faisais. Elle était fort rouge, ses yeux brillaient, mais elle n’avait pas ouvert la bouche. Ses lèvres au contraire, comme vissées l’une à l’autre, semblaient ne pas vouloir laisser échapper le moindre souffle ou le moindre son.

La physionomie de sa mère n’exprimait qu’un intérêt mêlé d’étonnement et de curiosité.

« Aurait-on jamais cru cela ? disait-elle. Voyons un peu (elle se mit à compter sur ses doigts) : octobre, novembre, décembre, janvier, février, mars, avril, mai, juin, juil-