Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/127

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let… autant vaut dire juillet, puisque nous sommes au 28… dix mois en tout, dont un à rabattre.

— Saviez-vous déjà la nouvelle ? me dit le ministre, qui, surpris de mon silence, venait de se tourner vers moi. Même alors il n’avait aucun soupçon.

— Je… j’avais entendu parler de quelque chose, répondis-je avec embarras. Sa femme est une jeune Canadienne de race française,… une demoiselle Ventadour.

— Lucile Ventadour, reprit Phillis, d’une voix mal assise et d’un ton plus haut qu’à l’ordinaire.

— Alors vous le saviez aussi ? » s’écria le ministre.

Je voulus répondre, mais nous prîmes la parole en même temps, ma cousine et moi.

« J’ai dit à Phillis que, selon toute probabilité…

— Il épouse, continuait-elle, une Française nommée Lucile Ventadour. La famille est nombreuse et réside à Saint-Maurice ; c’est bien cela, Paul, que vous m’avez annoncé. »

J’acquiesçai par un mouvement de tête à l’exactitude de ces renseignements, et Phillis, détournant aussitôt la conversation, se mit à questionner son père sur les personnes qu’il était allé voir à Hornby. Elle s’exprimait avec une volubilité tout à fait en désaccord avec ses habitudes, et cela, je le voyais bien, pour écarter tout contact de la blessure encore à vif. Moins maître de moi, je me bornais à suivre l’impulsion, mais, tout en secondant Phillis, je ne pus m’empêcher de remarquer la surprise et le trouble du digne ministre.

Ah ! langue maudite, légèreté à jamais regrettable, précipitation imprudente, quels remords vous me causiez en ce moment ! Et comme le repas me sembla long ! Et comme je trouvais pénible ce malaise subit, cette contrainte masquée, dans une maison où jusque-là chacun parlait à son gré, se taisait de même, et, par-