Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/35

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ces d’éducation, s’était créé lui-même de toutes pièces, et de par la vertu d’un génie secret qui le poussait aux investigations mécaniques. À l’époque dont je parle, il n’était pas connu comme il l’est maintenant ; mais dans un certain cercle d’hommes pratiques, personne n’ignorait le nom de Manning, attaché désormais à une véritable découverte, la fameuse « roue de propulsion, » le rouage-Manning, disent les gens du métier.

La vie que je menai à Eltham pendant les premiers mois de mon installation ne répond pas à l’idéal d’une jeunesse folâtre. On travaillait dur sous la direction de M. Holdsworth, alors chargé de construire un petit embranchement de chemin de fer entre Eltham et Hornby. Dès huit heures du matin, il fallait être au bureau, d’où l’on ne sortait qu’à une heure de l’après-midi pour aller dîner. À deux heures, on reprenait le joug, et jusqu’à sept ou huit heures du soir, selon l’occurrence.

Par exemple, la tâche de l’après-dînée offrait de temps à autre quelques distractions : c’était lorsque j’accompagnais M. Holdsworth sur quelque point de la ligne en construction, soit pour surveiller les travaux, soit pour régler, toise en main, les comptes des ouvriers. Ces excursions à travers un pays sauvage et charmant me ravissaient d’aise et me mettaient vis-à-vis de M. Holdsworth sur un pied de camaraderie qui me relevait à mes propres yeux.

Il avait six ans de plus que moi, une instruction bien supérieure à la mienne, un esprit vif, développé par des voyages à l’étranger, une désinvolture bien rare chez nos compatriotes, et un fonds de bonté, d’indulgence, qui, pour être tempéré d’ironie, ne se révélait pas moins à tout instant. Ce jeune ingénieur de vingt-cinq ans était tout simplement, à mes yeux innocents, le plus grand homme de sa profession, et par conséquent — se-