Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/36

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lon mes idées enthousiastes au sujet de la carrière ouverte à mes efforts, — le plus grand homme du monde. L’avenir devait se charger de prouver un jour ou l’autre que je ne me trompais point.

J’aurais bien voulu reconnaître les bontés qu’il avait pour moi, et l’idée m’était venue, en regardant le superbe jambon que ma mère m’envoyait à certaines dates, qu’une invitation à déjeuner ne serait peut-être pas mal accueillie par ce héros de mes rêves ; mais j’eus la douleur de trouver miss Hannah tout à fait opposée à ce projet lorsque je le lui laissai vaguement pressentir. Il lui semblait à première vue impliquer des arrière-pensées coupables, et dans les phrases solennellement obscures par lesquelles se manifestait sa réprobation je crus discerner ces mots : « Gardons-nous de nous vautrer dans la fange ! » Impossible à moi, même à présent, de voir en quoi ils pouvaient s’appliquer au sujet de notre conversation.

En revanche, s’il arrivait que M. Peters, le ministre indépendant d’Eltham, touché de mon assiduité aux offices, m’engageât à venir partager son repas dominical, mes deux hôtesses semblaient me considérer comme un élu de la Providence. Elles m’enviaient l’honneur et le bonheur dont j’allais jouir. Loin d’en être ébloui, je leur aurais cédé ma place très-volontiers, et ne voyais en somme rien de si flatteur à rester ainsi trois heures de suite sur le bord d’une chaise, en butte à mille questions sur l’état de mon âme, jusqu’au moment où mistress Peters venait nous rejoindre avec son factotum femelle et où commençaient les exercices religieux, — la lecture pieuse, le sermon, une longue prière improvisée, — le tout pour inaugurer le thé, sur lequel nous nous jetions affamés et las plutôt qu’édifiés.

C’étaient, deux fois par mois, mes délassements du di-