Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Loué soit Dieu, ma bonne Phillis, pour, ne t’avoir pas donné ce goût de parure ! »

Ma cousine, ici, rougit légèrement, et d’une voix humble :

« J’ai bien peur, dit-elle, de n’en être pas tout à fait exempte. Les beaux rubans des demoiselles de la ville me font quelquefois envie.

— C’est tout simple, ajouta aussitôt mistress Holman. Moi-même, ministre, je préfère les robes de soie aux robes de cotonnade.

— L’amour de la parure est une tentation et un piège, dit le pasteur, gardant un air grave. À propos, reprit-il soudain, nous en avons tous, des tentations. Je voudrais, ma bonne amie, que vous fissiez transporter mon lit dans la chambre grise.

— Y pensez-vous ? déménager ainsi, à cette heure, pourquoi cela ?

— Regardez, répondit-il en lui montrant son menton sillonné de deux ou trois estafilades. Je me coupe ainsi tous les matins, et cela par suite des efforts que je fais pour ne pas m’emporter en voyant notre malheureux Timothy entasser négligence sur négligence, maladresse sur maladresse. Que voulez-vous ? c’est plus fort que moi.

— Le fait est, fit observer mistress Holman, qu’on vit rarement plus de paresse et plus d’inintelligence. Il ne vaut pas le pain qu’il nous mange…, et si vous vouliez…

— Quoi ? le renvoyer !… Songez donc qu’il s’agit d’une espèce d’idiot ; songez que cet idiot a femme et enfants. Que deviendrait toute cette famille ? Jamais il ne trouverait une autre place : force nous est de le garder ; mais je ne veux plus me raser à une fenêtre donnant sur la cour où il travaille. Quelque beau matin, dans une crispation,