Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trer sans que nous nous en fussions doutés le moins du monde, absorbés l’un et l’autre par le sujet de notre entretien. La réponse ne nous vint pas tout d’abord.

« Je parlais à Paul de l’offre Ellison, dit enfin mon père avec un certain embarras.

— Bonne affaire, répliqua Holdsworth en riant ; mais je ne lui savais pas un si beau teint, une bouche si ravissante…

— Peste soit de vos plaisanteries ! recommença mon père, plus embarrassé que jamais. Puis, comme il n’aimait à équivoquer sur rien : — Je disais aussi à Paul, continua-t-il, que, s’il voulait épouser Phillis Holman, je ne mettrais pas de bâtons dans les roues.

— La fille du ministre, n’est-il pas vrai ? Tiens, tiens, je ne savais pas qu’en laissant aller si souvent mon jeune collaborateur du côté de Heathbridge, je me faisais l’innocent complice du dieu d’amour.

Contrarié au dernier point de la tournure que prenait la conversation, je répétai ce que je venais de dire à mon père. Holdsworth me regardait avec une indulgence quelque peu railleuse.

« On peut bien pardonner, disait-il, en faveur d’une bouche si vermeille, un peu trop de littérature, un goût trop vif pour les choses de l’esprit… Mais ceci ne me regarde pas, et je vous demande pardon d’être venu me jeter au travers de votre conférence. Mon excuse est que j’avais à parler affaires avec M. Manning. »

Je me gardai bien de les écouter, — songeant à ce qui venait d’être dit au sujet de Phillis, et me demandant si une fille comme elle consentirait jamais à prendre un mari comme moi, — jusqu’au moment où j’entendis prononcer le nom de Holman. C’était mon père qui vantait à Holdsworth la vigueur d’esprit, l’énergie morale du digne ministre. La curiosité de son auditeur